1/2 Entretien avec Jean-Claude Georges, fondateur d’ILEX « Mon entreprise connaît le succès car nous cherchons le bien de nos salariés »

07/07/2021
Thumbnail [16x6]

Article initialement écrit le 28 Mars 2018

Jean-Claude Georges, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

J’ai commencé ma carrière en 1970, à 14 ans. J’effectuais un apprentissage du métier d’ascensoriste dans une PME de l’est de la France. En avril 1981, l’entreprise a traversé des difficultés ce qui a entraîné des fermetures d’usines et des départs volontaires. Au mois de septembre, j’étais embauché comme technicien dans une grosse PME sur la Côte d’Azur, avant de changer d’entreprise pour devenir responsable technique en 1983. L’année suivante, j’ai été nommé directeur d’agence dans un groupe de la Générale des eaux. Enfin, en 1989, j’ai créé l’entreprise ILEX.

Une entreprise humaine, dans laquelle chacun peut trouver du sens

Pourquoi ILEX est-il un succès ?

Avant de fonder ILEX, dans le grand groupe dans lequel je travaillais, le management était basé sur l’efficacité. Les hommes étaient évalués selon leur performance. Le résultat économique était l’objectif principal et l’instrument de mesure de l’efficacité des personnes. Je me suis rendu compte que ce type de management entraînait du turnover et un esprit malsain de compétition.

ILEX a connu le succès parce que c’est une entreprise humaine qui correspond aux aspirations profondes des personnes. Elles y trouvent du sens et peuvent s’y épanouir en étant libres de penser différemment. Chacun peut apporter son savoir-faire et sa propre analyse.

Aujourd’hui, vous appliquez une méthode de management spécifique. Pouvez-vous nous la décrire ?

Il s’agit du management par les vertus. Pour nous, le résultat économique n’est pas une finalité mais la conséquence d’un travail bien fait. Et l’on reconnaît un travail bien fait à la compétence de celui qui le réalise mais aussi, et ce qui est plus important encore, à sa conscience professionnelle. Pour cela, il n’existe aucune formation. Ce sont des valeurs, un état d’esprit qui vous poussent à vous dépasser et à prendre en considération ce que le client attend vraiment.

Chez ILEX, nous travaillons avec les vertus cardinales d’Aristote qui permettent à l’Homme d’atteindre le bonheur. Elles s’appliquent à la fois dans votre vie privée et dans votre vie professionnelle. Une grande cohérence entre les deux est nécessaire et cela demande un travail sur soi. Le management change alors d’objet : chez ILEX, il faut se manager soi-même !

Jugement, courage, tempérance, justice

Quelles sont donc ces vertus ?

La première, c’est le jugement, la prudence en fait. Cela consiste à bien juger les situations pour pouvoir les affronter le mieux possible. Pour le chef d’entreprise, c’est comprendre ce que son subordonné désire profondément ou encore choisir les personnes dont il souhaite s’entourer pour atteindre ses objectifs.

La deuxième vertu, c’est le courage. Il permet aussi bien d’affronter les problèmes que de parler en vérité à un collaborateur ou à un client, à un supérieur ou à un subordonné. Cela nécessite une grande confiance en soi, sans pour autant nuire aux autres. La vertu de courage est liée à celle de justice.

La troisième vertu d’Aristote, la plus importante selon moi, c’est la tempérance. Elle révèle notre être profond. C’est une grande maîtrise de soi, une force intérieure qui découle de l’union profonde de chacun des aspects de sa personnalité (émotion et rationalité). Si vous êtes tempérant, la pression ou le découragement n’ont pas de prise sur vous ; vous ne ferez pas non plus passer votre intérêt avant celui des autres.

Ces trois vertus, qui concernent notre être intérieur, convergent vers la quatrième vertu cardinale d’Aristote qui concerne ce qui nous est extérieur : les autres. Cette vertu, c’est la justice. Elle nous permet de nous remettre en question, de cultiver l’humilité. Sans humilité, il n’y a pas de progrès. Sans humilité, il n’y a que des problèmes qui nous dépassent et que l’on subit.

Rétribuer les vertus, c’est travailler à la pérennité de l’entreprise.

Comment s’exprime la vertu de justice pour un dirigeant d’entreprise ?

Elle s’exprime d’abord dans les salaires. Ils doivent être répartis de façon juste.

Selon quels critères si l’on écarte l’efficacité économique 

Il y a deux critères : la compétence évidemment, mais également les vertus qui sont la source de la conscience professionnelle et qui permettent d’orienter l’action. Si vous ne rétribuez pas les vertus, vous ne travaillez pas à la pérennité de l’entreprise.

Comment ce management par les vertus s’exerce-t-il, de façon très pratique, dans la vie d’une entreprise comme ILEX ?

En valorisant les comportements vertueux. Un commercial, par exemple, qui se vante de rapporter des contrats à l’entreprise détruit l’esprit d’équipe, et donc l’entreprise. Nous allons donc plutôt confier des responsabilités à celui qui s’occupe des autres et qui transmet son savoir car c’est lui qui va créer un esprit d’équipe ; il aura même une autorité naturelle.

Donc ce type de management a des répercussions sur la politique salariale, sur le choix des responsables. Sur quoi d’autre ?

Le choix des clients ! On ne peut pas travailler avec des personnes qui ne respectent pas les autres. De la même façon, nous décidons de ce que l’entreprise doit être. Prenons un exemple. On répond souvent à un appel d’offres pour obtenir un marché en pensant que le moins disant l’emportera fatalement. Il ne dépend que de vous de vous lancer dans un tel marché. En revanche, une autre vision du monde est possible et vous trouverez des clients qui ne raisonnent pas du tout de cette façon-là. Vous pourrez alors vous développer autrement et choisir votre direction.

Pour lire la suite de cette interview, cliquez ici. 

Je vous conseille aussi le visionnage de cet autre entretien de JC Georges, par Emmanuelle Morelle.